La question de la zone monétaire l’éco est suspendue sur les lèvres de plusieurs africains depuis l’annonce faite tout récemment par le président de la côte d’Ivoire disant que les 8 pays de la zone CFA vont adopter (l’ eco) dès 2020, avant les autres non membres de cette zone .
Pour comprendre bien cette affaire de nouvelle monnaie Ouest africaine, nous avons interrogé un spécialiste en la matière. Il s’agit de Ibrahima Cherif BAH ancien gouverneur de la banque centrale de la République de Guinée, vice président de l’UFDG. Avec lui, nous avons parlé de cette nouvelle monnaie et le rôle que la France est en train de jouer dans la mise en place l’éco.
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Loupeguinee.com : pourquoi ce sont les 8 pays de l’UEMOA qui vont intégrer cette monnaie avant ceux de la ZMAO?
Ibrahima Cherif Bah : la monnaie est une question très sensible, il y a plusieurs années que les pays de la CEDEAO non membres de la zone franc c’est à dire la Guinée, la Gambie, le Ghana, le Nigeria, la sierra Leone et le Libéria étaient en train de travailler sur un projet qu’on appelait la zone monétaire de l’Afrique de l’Ouest ( ZMAO). L’idée était que quand cette zone serait prête, elle allait fusionner avec la zone CFA pour faire une zone monétaire Ouest africaine unique. La zone CFA a trouvé que c’est une bonne idée, elle est mieux intégrée et s’en est donc appropriée.
C’est vrai que les pays de l’ UEMOA ont une monnaie unique qu’on appelle le franc CFA, ils ont des critères de convergences communs, en terme de taux d’inflation, déficit budgétaire, gestion des réserves de change ; ils sont plus proches de l’intégration que les autres pays de la zmao. Tout récemment on a vu le président français et celui de la côte d’Ivoire dire que les pays de l’ UEMOA vont adopter l’eco comme monnaie commune ; cela a un peu choqué les gens, parce le nom ‘’éco’’ ce sont les pays de la zmao qui l’ont inventé ; ils ont un programme pour aller vers l’intégration économique et monétaire. Ils ont trouvé ce nom là ( eco) depuis longtemps et une conférence est prévue au mois de juin 2020 pour lancer cette monnaie officiellement.
Pourquoi ces pays de l’UEMOA veulent que ce soit maintenant?
Parce que le CFA était trop critiqué et on se demande pourquoi la France se met en avant? Nous aurions aimé, nous africains membres de la ZMAO, voir les chefs d’États africains annoncer dans une conférence qu’ils tiennent en Afrique, qu’ils ont lancé l’éco et décident ceux qui sont prêts à y ailler. On voit cette idée venir d’ailleurs. Il y a une sorte d’empressement que l’on ne comprend pas .
On a appris que dans la nouvelle zone, il n y aura plus le transfert de 50 % des réserves de change des pays membres auprès de la banque de France.
On a dit aussi que le compte d’opération qui existe entre les banques africaines et la banque de France sera supprimé, on a entendu également que le taux de change serait encore fixe par rapport à l’euro, c’est à dire que la parité fixe est toujours maintenue. Tout ceci est un changement, mais pas très fondamental, l’idée était que les africains décident d’un taux de change flexible, parce que les économies ont changé, les relations économiques étrangères ont changé. L’idée de base dans la ZMAO était que l’éco soit flottant par rapport à un panier de monnaie qu’on aurait choisi et qui reflète mieux la structure des échanges économiques actuels.
J’aimerais bien attendre le mois juin prochain pour voir ce qui va se passer sur le terrain ; car même cette affaire de taux de change fixe peut être remise en cause. A mon avis, s’ils ont parlé de taux de change fixe c’est pour rassurer les gens , opérateurs économiques contre des fluctuations importantes qui pourraient se produire sur le marché des changes. C’est un chantier qui est ouvert il n’est pas encore fini ,il va se poursuivre.
Mais c’est une décision politique importante. Décider d’une monnaie, de la frapper, la mettre en circulation par des banques centrales des pays indépendants est une question fondamentale. C’est pourquoi les gens ne comprennent pas le rôle de la France, parce qu’elle est en train de jouer un rôle pour faire croire aux gens que l’éco sera comme le CFA. Pourquoi être arbitre ? Quelle garantie offrir ? La lenteur des autres pays de la zmao pour joindre cette zone eco va nous indiquer dans quelle mesure cette zone va aboutir c’est à dire englober les 14 pays d’Afrique occidentale.
Les pays membres de la zone eco ont une économie différente. Quel impact après l’intégration ?
A mon avis, si les pays importants comme le Ghana , le Nigeria rejoignent l’éco ,la monnaie sera plus crédible, c’est sûr . Le Nigeria fait les 65% du PIB de l’Afrique de l’Ouest. La Guinée également est importante en termes de pays à fort potentiel avec d’importantes ressources. Mais je pense que là dedans, si ces pays là font le pas cela voudra dire qu’on a résolu cette question de souveraineté. On dit par exemple qu’au sein du Conseil d’Administration de la BCEAO il n y aura plus un cadre du Trésor français qui va siéger. C’était comme ça avant. Une banque centrale autonome, une zone monétaire autonome, gérée par ses fils et ses cadres africains. Certainement au fur et à mesure que la question de souveraineté est résolue et la question politique est bien clarifiée ,on aura une vraie zone économique et monétaire appartenant, possédée, et gérée par les africains de l’Ouest. C ‘est cela le souhait le plus ardent des patriotes africains qui souhaitent que leurs dirigeants prennent maintenant les bonnes décisions en matière de politique économique et monétaire.
Saïdou Diallo 00224664379620